maison DROUIN Daniel

Notre ami, le professeur BORNE Emile, dont vous avez déjà apprécié la compétence, l'humour et la sagacité, reprend ici son cours. Pour terminer le chapitre des caractéristiques géométriques de la route, il lui reste à traiter la question des profils.

ccdr_03_01Pour savoir si une route n'est pas trop bossue, tordue, biscornue, pentue - en un mot mal fichue - il faut l'observer de profil.

L'observation de profil est toujours la meilleure. Les égyptiens l'avaient bien compris : tous leurs dessins représentent des personnages de profil ; à tel point que certains se sont demandé si les Egyptiens avaient une face (En fait, si : ils avaient une face ; la preuve en est que, parlant de leur dieu le soleil, ils invoquaient sa "face de Râ"). Bref: même Cléopâtre fut dessinée de profil ; et pourtant, elle avait le nez si long qu'il sortait toujours de l'épure (il faut dire que si on l'avait représentée de face, le nez aurait percé le papyrus, qui valait très cher à l'époque).ccdr_03_02

Léonard de Vinci connaissait bien aussi les avantages des profils : c'est de profil qu'il voulait peindre la Joconde, mais elle a bougé au dernier moment, si bien qu'on la voit presque de face : on sait cela grâce à son sourire mutin, qui traduit le bon tour qu'elle venait de jouer à Léonard en tournant brusquement la tête. Le tableau n'est quand même pas mal ; mais il est tout à fait hors sujet.

Si un personnage en général n'a qu'un profil, la route, elle, en a deux : son profil en long et son profil en travers.
ccdr_03_03Le profil en long, c'est la succession des montées et des descentes. Il est évidemment plus accentué en montagne. Les montagnes françaises offrent aux conducteurs aportifs des parcours tràs accidentés. Mais ce n'est rien au regard des montagnes russes, pittoresques et attrayantes, mais dont le relief est par trop accentué : les véhicules s'y coincent dans les creux, ou se mettent en bascule sur les bosses ; d'où des retards dans les transports qui expliquent les difficultés économiques du pays. De plus, dans ces montagnes, on déplore beaucoup d'accidents dus au fait que dans les descentes des imprudents coupent le moteur et lâchent les freins : ils appellent cela la roulette russe, qui parfois se termine très mal.

Dans l'autre sens, on a le profil en travers; ce n'est pas forcément un profil de travers : Picasso par exemple a fait quelques profils de travers, d'ailleurs tout à fait réussis et qui se vendent  plus cher au mètre carré qu'une autoroute à grand trafic.

ccdr_03_04Le profil en travers montre les éléments très intéressants suivants :
- la chaussée,
- la plateforme, toujours plate, même si elle est creuse (on peut dire "une plateforme creuse", mais pas "une creuseforme plate")
- l'assiette, plate ou creuse, jamais à dessert,

- l'emprise, qui n'est ni celle du vent joyeux, ni celle d'une grande passion, mais qui représente les mètres carrés subtilisés aux copains de droite et de gauche.

ccdr_03_05Le profil en travers permet également d'apprécier la largeur de la chaussée proprement dite, ainsi que la régularité de ses pentes vers les fossés. Les routes et autoroutes se font en toutes largeurs. "L'automobiliste français les trouve en général trop étroites: quand il pense aux taxes sur les carburants, à la vignette, à la TVA, aux péages, il se dit que, s'il se fait avoir,

ce n'est hélas ! pas dans les grandes largeurs.

Aux extrémités du profil en travers, on aperçoit aussi les accotements et les fossés : les fossés sont des espèces de tranchées qui protègent les belles prairies françaises des intrusions intempestives des véhicules en perdition.

ccdr_03_06Les fossés ont aussi pour rôle de recevoir le samedi soir les ivrognes qui y dessoûlent : on les y tolère - car ils sont mieux là qu'au volant - tant que leur présence n'empêche pas un écoulement normal des eaux.

En ville, les accotements et les fossés sont en général remplacés par des trottoirs et des caniveaux.

Les trottoirs ont été inventés pour permettre aux piétons et spécialement aux trottins de trotter. I1 est déconseillé d'y stationner et tout à fait interdit, même aux galopins, d'y galoper. Un trottoir n'est pas un galopoir. D'ailleurs, comme les trottoirs pour hommes sont aussi crottoirs pour chiens, il est parfaitement dangereux d'y avancer trop vite, surtout si on veut en même tempe admirer les antennes de la tour Eiffel ou les reflets du soleil couchant derrière le clocher de Notre Dame de la Garde. ccdr_03_07Contrairement à ce que l'on pense, les trottoirs ne sont pas que des accessoires des rues, ils sont d'ailleurs très antérieurs aux chaussées puisque ce sont les plus vieux ouvrages du monde; les chaussées n'ont été inventées que beaucoup plus tard, pour faciliter justement le passage d'un trottoir à l'autre. Voilà pour les caractéristiques géométriques de la route. La prochaine foie, nous aborderons la constitution de la chaussée et le calcul de son épaisseur.

Emile BORNE

(micro tenu par J. LEVEQUE)